Tract d'action poétique Numéro 14 octobre 2002 (extraits) "Poètes, vos papiers ! " Poète:… c’est à lui de prononcer les paroles toujours sacrilèges et les blasphèmes permanents . ( Benjamin Perret ). Mais cette fois, le HARRAR PRÉCÈDERA LA SAISON: on passera du commerce de l’or et des fusils à la révélation objectivemême et le corps répondra ENFIN à la danse. ( Alain Jouffroy ). C'est le titre choisi par Léo Ferré pour un de ses recueils de chansons et poèmes. C'est aussi le sens de l'apostrophe du juge au dissident Vladimir Boukovski : "Qui vous a fait poète ?". A quoi Boukovski répondit en substance : "Qui vous a fait juge ?", celant son enfermement dans les isolateurs post-staliniens.Entre ces deux apostrophes ce n'est pas l'énoncé des catégories sociales, des concepts idéologiques, qui s'étale, ce n'est pas le champ sémantique qui s'ouvre, c'est à perte de vue des territoires de carnages et de décombres de la sauvage dramaturgie humaine qui s'étendent. Entre Auschwitz et Kolyma, entre l'univers concentrationnaire et l'archipel du goulag les valeurs sont mortes, l'espoir a été assassiné. Tout est à recréer et ces charniers sont un passage obligé pour tout homme de notre époque.Est-ce à dire que le discours de tout homme conscient, de tout poète lucide, ne peut relever que de la prosopopée ? Certainement pas, à condition de ne pas accepter qu'en nous "le cadavre raidi" ne nous empêche de dire et d'agir. Et la condition absolue est de combattre avec la dernière énergie les confusionnistes stipendiés qui tentent d'établir et de nous faire admettre que les victimes sont complices de leurs bourreaux. Pour ce faire les poètes ont l'arme de la poésie, non plus comprise et pratiquée comme un art - dispensateur de tous les artifices - mais comme un moteur pour l'action, pour des actes que l'on pose en permanence, constitutifs de la condition humaine, vertèbres de l'homme debout.C'est pourquoi, à mon sens, dans l'école de Francfort Adorno se trompe lorsqu'il déclare : "Ecrire un poème après Auschwitz est barbare...". Dans un monde qui administre et collectivise la violence et l'horreur c'est la tentative d'établir la possibilité d'une dialectique négative. Cette perspective ne me paraît pas de nature à permettre à l'homme de sortir enfin de sa nuit. Dans les culs-de-basse-fosse, la sanie, sous les coups et la terreur des hommes écrivaient des poèmes. Il suffit de lire le terrible livre d'Henri Pouzol, "LA POESIE CONCENTRATIONNAIRE" (Seghers). A ce qui aurait dû être le degré zéro de l'espérance et parce qu'il existe en tout homme digne de ce nom "un infracassable noyau de nuit" et une fontaine cachée, des hommes écrivaient des poèmes et par là témoignaient encore et toujours de leur humanité contre et face à leurs bourreaux.De même Blanchot après Adorno rejoint la cohorte des résignés, des aveugles et sourds volontaires, lorsqu'il écrit : "la connaissance à tout moment de ce qui est insupportable dans le monde (tortures, oppressions, malheurs, faims, les camps) n'est pas supportable : elle fléchit, s'effondre et celui qui s'y expose s'effondre avec elle. Savoir cela suffit à égarer." Ce faisant il est dans le "ressassement éternel" et l'impasse et laisse la maîtrise du langage social aux dominants qui tuent le langage poétique.Hannah Arendt écrit : "Dans la mesure où l'apparition de gouvernements totalitaires est l'évènement central de notre époque, comprendre le totalitarisme n'est en rien pardonner, mais nous réconcilier avec un monde où de tels évènements sont simplement possible, pensant et fraternel. Je prétends que nous "réconcilier" contrairement à ce qu'affirme Arendt serait pardonner l'impardonnable! Je prétends que le monde tel qu'on nous le donne à vivre ne peut se vivre qu'en étant malade et qu'il ne faut pas chercher ailleurs les causes d'une multitude de pathologies du corps et de l'esprit, de dérives sociétales, d'effondrements de la pensée.Enfin il faut nous méfier et défendre contre la rhétorique de la sublimation qui nous est distiffée jusqu'à la nausée par les Pangloss de l'humanisme béat, conçu comme un art par les chantres de l'idéalisme prudent affirmant leur confiance réitérée dans le monde, le droit, la démocratie, dieu. Quelle morale ? Celle de l'argent roi ? Quel droit ? Celui du plus fort ? Quelle démocratie ? Celle de la mondialisation américanisée ? Quels dieux ? Ceux de l'effroi, de la vengeance et des guerres de religion ?C'est dans ce monde là en ne renonçant ni à la part de rêve ni aux principes de réalité, ni à l'énoncée subversive de l'utopie que doit se tenir le poète. Parce que c'est là que se situe ce que Patrick Guyon appelle LE DEVOIR DU POEME.Qu'il soit donc admis que sans réifier socialement chaque émotion et moment de la création on puisse considérer un poème comme un acte posé contre les coercitions, les obscurantismes, comme une ordalie contre l'horreur. Enfin qu'il nous soit permis de nous étonner que certains "poètes" et jusqu'à des religieux, avec une immodestie remarquable, en quête effrénée de reconnaissance dans le monde des apparences profitent sans principes du plus petit interstice pour bétonner dans la faille leurs textes et leurs noms.Si l'injonction "Poètes, vos papiers" reste à jamais inadmissible, Poètes, vos poèmes! est toujours légitime.Je souhaite terminer cette réflexion par une citation d'un grand poète haïtien, mon ami Gérald Bloncourt : "j'ai mal à l'espoir...J'ai mal au monde que j'habite..." Yann Orveillon autres textes: Poètes! Poètes! (RV Mesdon) QUE SONT DEVENUS LES FEMMES ET LES HOMMES DE CE PAYS ?(Anne-Denez Martin) et les infos Abonnez-vous-->
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