Tract d'action Poétique Numéro 6 (extraits) " Les staccatos berceurs ou la bataille du rail" En voiture pour l’an 2000 ! les motrices et locomotives chauffent, les cheminots s’agitent, certains fronts ont la fièvre, des coeurs s’affolent, des reins sont moites, une délicieuse ivresse monte à la tête, un cafard noir fait balle en pleine poitrine. Les trains...les gares, planche d’appel pour l’aventure, arrachement au pays, salle des pas perdus, humanité cosmopolite, les rires, les pleurs, les promesses, les adieux, les trains...les gares... Train de vie, train de mort, train de plaisir, train de l’exil. Il y a le train bleu : Paris-Bordighera, Vintimille, Portofino...Le Simplon Express. Il y a les Madones des sleeping à long fume-cigarette d’ivoire et cigarettes turques d’Istambul, Corne d’Or, le collier de perles du plus bel Orient sur l’écrin de leurs seins blancs où circule " l’invisible lait bleu ". Il y a le Transsibérien où Cendrars, Blaise le vieux poète manchot enlace de son seul bras des femmes Kirghizes ou Baltes, soldates de la révolution en marche le long des rails, cavalerie rouge de Boudienny contre cavaliers blancs des Attamans et de Koltchak. Il y a des trains, des convois et des convois numérotés, datés et dont les gares de départ et les destinations ne figurent dans aucun guide de voyage, dont les horaires ne sont dans aucun chaix : Compiègne, Varsovie, Budapest, Athènes pour Oraniemburg, Ravensbruck, Terezin, Buchenwald. Convois brûlants ou glacés, la mort en marche et qui s’enfonce dans la nuit comme un couteau dans la chair jusqu’au dernier sang, Nacht und Nebel. Il y a les trains de l’Amérique yankee ceux qui, derrière les monstres d’acier des grosses locomotives à vapeur, relient l’Atlantique au Pacifique. On a admis que sur les milliers de kilomètres de cette jonction océanique folle chaque traverse aurait pu être remplacée par un des milliers d’hommes morts à la tâche, des milliers et des milliers de morts indiens ou chinois de préférence. Il y a les chenilles grouillantes, pulvérulentes des trains indiens qui circulent entre Himalaya et golfe du Bengale et qui sont plus meurtriers que les tigres mangeurs d’hommes. Il y a les trains pour la Laponie ou André Laude va être aimé de Nora Nord cette nuit dans un wagon-lit cook tendu de soie bleue. Il y a le " Trans-Africa " qui sans doute n’existait pas et qui aurait descendu Arthur Rimbaud des Hauts Plateaux du Harar via Monbasa jusqu’à D’Ar Es Salaam où il aurait pris le bateau pour Zanzibar. Et pourtant " il y a des petits wagons roses où des nids de baisers fous reposent ". Il y a les gares et les trains des poèmes d’Emile Verhaeren et les trains et les gares des tableaux de Monet. Il y a les trains de la contre-révolution chinoise en 1927 où les ouvriers de la Commune de Shangaï servaient de charbon pour fournir les chaudières. Il y a les trains de Maïakovski et Meyerhold décorés des fenêtres de Rostra. ll y a les deux Express qui se croisent dans la nuit, vous êtes dans le couloir, vous entrouvrez une glace, le vent de la course vous gifle, et en face fugitive et déjà disparue vous avez aperçu une silhouette, le visage d’une femme. Alors, poignant comme la douleur, vous avez le sentiment aigu que vous venez de croiser celle qui de toute éternité vous était destinée et que vous avez perdue, la belle inconnue que vous ne reverrez plus. Il y a les trains des faubourgs et des banlieues pourvoyeurs au petit matin des usines et des bureaux, les trains des travailleurs volontaires, du travail mercenaire. Il y a toutes les gares où nous avons ri ou pleuré, tous les trains que nous avons pris, tous ceux que nous ne prendrons pas, tous les départs réussis ou ratés et les arrivées qui n’en finissent pas. Il y a les gares où de grandes jeunes filles aux yeux graves nous regarderaient partir pour d’autres gares où par la grâce de Paul Delvaux nous attendraient de belles femmes nues. Yann Orveillon Abonnez-vous-->
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"viendront d'autre horribles travailleurs;ils commenceront par les horizons où l'autre s'est affaissé"
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