Tract d'action poétique numéro 13 Juin 2002 (extraits) "Les déracinés de la terre... " Dans une terre du Boischaut Sud, où j'ai une longère et quelques attaches, n'être pas originaire du pays, du terrain précis où vou vivez, né-natif - pour reprendre cette affreuse expression composée par quelque lepéniste bien-de-chez-lui, - c'est être un "rapporté". Respect dû et gardé aux déportés rescapés des camps de la mort nazie, j'ai résisté à l'envie, il y a quelques années, de déclarer une "Association des Rapportés du Boischaut Sud". C'est assez dire combien cette étiquette, ce mot qui montre, stigmatise et isole, m'apparaîssait comme une étoile jaune ou un triangle rouge, marron ou rose que l'on vous coudrait sur la poitrine.Alors "LES DERACINES" ? D'où ? Pourquoi ? Comment ? Là sont les questions essentielles, tant il est vrai que ce sont elles qui déterminent la nature du déracinement : besoin éperdu de l'autre et de l'ailleurs, jubilation sans fin sereine ou (et) inquiète, douleur inextinguible, malédiction biblique, besoin d'enracinement schizo-paranoïde ?Ne sommes-nous pas tous, toujours, les déracinés de quelqu'un ou de quelque chose d'autre ? Notre dualité ontologique n'a-t-elle pas comme conséquence première qu'une part de nous-mêmes est la déracinée de l'autre part duelle et opposée, comme un renvoi en miroir et le constant de l'impossible harmonie ? Et ce constat, qui n'est pas un postulat, mais l'évidence du DERACINEMENT (et du DERACINE) comme un puissant facteur d'entropie nourrit et désigne aussi et ainsi la VIE ! Après avoir été - où s'être - déraciné , s'être ou avoir été arraché à l'objet, l'homme ne devient-il pas ainsi sujet ? Et puis enfin comme "le gars de Locminé" n'emporte t-il pas toujours de "la maillette dessous ses souliers" ?Alors il convient d'admettre qu'il n'y a pa un mais des déracinements , qu'il n'y a pas un mais des déracinées . Et qu'il ne convient pas moins, pour savoir à quoi et à qui l'on a affaire, de connaître la forme du déracinement et du déraciné au sens où Victor Hugo l'entendait quand il écrivait magnifiquement : "La forme c'est le fond qui remonte à la surface"... Et ce ne sont pas les Bretons "déracinés" de toujours qui s'en furent partout et n'oublièrent jamais le Bro goz va zadoù qui diront le contraire.Ainsi, à mon sens, y at-il des DERACINES magnifiques, Rimbaud, Nerval, Cendras, et ce sont alors des Illuminés, ils éclairent nos ténèbres. Ou encore Erik le Rouge, Marco Polo, Jacques Cartier, Amundsen, Byrd, Livingstone et ils nourrissent notre besoin d'admirer. Ou aussi Jack London, Isabelle Eberhart, Joseph Conrad, Bruce Chatwin, Nicolas Bouvier et ce sont alors les Initiés, de quelques mystères du Monde. Et puis il faut établir que tous ceux-là, qui sont un peu plus géniaux, courageux ou fous que la moyenne, s'ils rendent compte de leur humaine condition pour toute l'humanité et donc pour la longue cohorte des voyageursn, pour les hommes et les peuples déracinés, n'effacent, ni ne diminuent - au contraire - l'histoire propre de chaque homme et de chaque peuple déraciné, porteurs de rêves qui cherchent l'or du temps ou des terres de fraternité où faire fructifier leurs espérances.Mais ceux-là, découvreurs, voyageurs, artistes, poètes, révolutionnaires, écrivains, hommes et femmes, connus ou inconnus, si ces déracinés-là ajoutent de façon parfois solaire du chaud à notre vie, il est d'autres déracinés, hommes et peuples, qui, par le traitement qu'on leur fait, ajoutent à notre part d'ombre, à notre "moi" transi, la terrible réalité glacée de la dramaturgie humaine. Je pense aux Tatars de Crimée déportés massivement en Sibérie par le Stalinisme, je pense aux Arméniens arrachés aux jardins d'Erivain et à qui "les Turcs" ont parfois cloué des fers à chevaux aux pieds, pour leur donner de nouvelles racines. Je pense à tous les martyrs de l'holocauste fasciste, douze millions de morts, femmes, enfants, vieillards de dizaines de nations et que les nazis ont brûlés pour qu'ils ne retrouvent plus jamais de racines. Je pense à toutes les diasporas, hier Juive, aujourd'hui Palestinienne, et encore Kurde, Afghane, Africaine, et demain ? Je pense à tous les exilés, les assignés à résidence, les emprisonnés, les interdits de séjour, les affamés d'amour, les sevrés de tendresse. Je pense aux Amériques "melting-pot" de déracinés. Je pense à la vieille Europe où tant de races depuis des millénaires ont brassé leur sang et je sias et je dis alors que ceux, racistes, xénophobes, intolérants, égoïstes, éternels "assis", qui formulent et énoncent les déracinements ou en décident, pour d'autres, que ceux qui nomment et dénoncent aux bourreaux, désignent à la vindicte les déracinés , le font avec un cadavre dans la bouche et que leurs racines à eux sont mortifères et pourries.Quant à moi si j'avais à réécrire, en rouge, un vieux chant de combat j'écrirais : "Debout les déracinés de la terre..." Yann Orveillon autres textes: Arrachements ( Dominique Noël) Marcher devant les murs ( extrait de " Le sel de la mémoire "Bernard CORRE) extraits de Africa Blues de Xavier GRALL (éd Calligrammes 1984) Abonnez-vous-->
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